
FEMMES ET FRANC-MAÇONNERIE

La princesse de Lamballe (1749 - 1792) était membre de la loge d’Adoption « Saint Jean d’Ecosse » du « Contrat Social » qui est la « Mère loge » du « Rite Écossais philosophique », elle en est la Grande Maîtresse particulière (probablement le 18 janvier 1781), elle devient donc en même temps la Grande Maîtresse de toutes les loges d’Adoption des loges rattachées à cette Loge Mère.
C’est pourquoi, elle est nommée « Grande Maîtresse des Loges Ecossaises Féminines Régulières de France ».
La Princesse de Lamballe en 1781, pastel par Élisabeth Vigée Le Brun.
• Les loges d'Adoption sous l'ancien régime
1725 est la date couramment admise pour l’arrivée de la Franc-maçonnerie en France .
La mixité était une habitude de la société française où depuis près d’un siècle fleurissait une culture des salons conduite par des Dames de renom telle Madame de Rambouillet ou Mademoiselle de Scudéry.
Aussi un certain nombre de femmes étaient-elles « tout naturellement » associées à ce mouvement qui leur permit de mettre en œuvre leurs aspirations à l’égalité aux côtés d’hommes qui partageaient avec elles l’espoir d’un monde plus juste et plus vertueux
• Qu’est ce qu’une « Loge d’adoption »?
Il s’agit du nom donné aux premières loges où des femmes sont reçues « Franches maçonnes »
Elles étaient fréquentées la plupart du temps par des femmes de la haute société : aristocratie, noblesse de robe, haute bourgeoisie.
C’était une minorité, instruite et cultivée, qui trouvait un écho à ses aspirations dans ce mouvement novateur et généreux.
Tout au long du 18ème siècle, un très grand nombre de loges d’adoption naquirent en France, tant à Paris que dans les villes militaires parlementaires et portuaires de province. Il s’en ouvrit également dans les grandes capitales en Europe et jusque dans les colonies.
En France, on note la présence de femmes dans les loges avant 1750.
Le « Grand Orient de France » constitué en obédience reconnut les loges d'adoption le 10 juin 1774. Il les plaça sous son gouvernement, en codifiant leur existence et en leur donnant un statut, il imposa notamment que les loges portent le même nom que la loge masculine aux côtés de laquelle elles fonctionnent.
La Révolution puis l’Empire avec le Code Napoléon et le XIXème siècle, peu favorables aux femmes, vinrent cependant perturber toutes les aspirations des femmes.
• Les loges d'Adoption sous l'Empire
Après la tourmente révolutionnaire, la Maçonnerie d'Adoption comme toute la Franc-maçonnerie française se reconstitue : elle reprend en 1799.
Les loges d’adoption sont à nouveau florissantes durant tout l’Empire autour de quelques figures illustres, telles Joséphine de Beauharnais et Caroline Bonaparte.
L’impératrice Joséphine est alors Grande Maîtresse des Loges d’Adoption Régulières de France.
Les loges ne retrouveront néanmoins jamais l'importance et le lustre qu'elles avaient auparavant.
Le Code Civil ayant renforcé le caractère subordonné de la position des femmes, elles perdent leur esprit novateur et égalitaire.
Les loges semblent disparaître dans la dernière partie du siècle sans être pour autant abolies.
• La Maçonnerie d'Adoption au 20ème siècle
A la fin du 19ème siècle, la question de l’initiation des femmes est un sujet brûlant. Pour l’immense majorité des Francs-maçons respectueux des principes édictés par les Constitutions d’Anderson, l’initiation des femmes selon le même rituel qu’eux, la présence de femmes comme membres ordinaires de loges masculines est clairement inacceptable.
Des femmes particulièrement combatives et militantes (dont Maria Deraismes et Madeleine Pelletier) réclament l’entrée des temples masculins et une initiation absolument identique à celle des hommes.
Un 1er résultat est obtenu après l’initiation de Maria Deraismes, le 14 janvier 1882 par la Loge « Les Libres Penseurs » du Pecq (région parisienne), qui sera autonome pendant quelques mois.
La loge-obédience « Le Droit Humain » est constituée en 1893.
La mixité est établie à partir de 1901, Madeleine Pelletier et Louise Michel sont initiées.
Malgré le conflit mondial du début du siècle qui en ralentit la progression, la Franc-maçonnerie féminine s'affirme.
L’idée d’indépendance émerge dès 1921.
Une conscience collective maçonnique féminine se développe peu à peu et dès 1945 apparaît la 1ère obédience féminine en France : "l'Union Maçonnique Féminine" qui deviendra en 1952 la Grande Loge Féminine de France.
Il existe maintenant d'autres obédiences spécifiquement féminine dont la Grand Loge Féminine de Memphis Misraïm.
La mixité est proposée par ce nombreuses obédiences : la Fédération Internationale du Droit Humain, La Grande Loge Mixte Universelle, La Grande Loge Mixte de France...
Depuis 2010 le Convent (A. G.) du Grand Orient de France décide que les loges ont la liberté d'initier ou de ne pas initier de femmes. Les loges étant souveraines, c'est à leurs membres d'en décider.
Quisqueya, l'Amitié Retrouvée, loge de Port-au-Prince, initie des femmes.



Madeleine Pelletier (1874 - 1939)
Elle est en 1906, la première femme médecin diplômée en psychiatrie en France.
Cette réussite sociale ne la satisfait pas et elle multiplie les engagements politiques et philosophiques. Elle est initiée franc-maçonne et devient membre de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) au début du siècle. Elle cherche aussi à faire avancer la cause des femmes dans une société conservatrice qui leurs refuse les droits politiques et civils.
Maria Deraisme (1828-1894) Résolument républicaine et démocrate, elle participe activement à diverses associations pour la défense des droits des femmes. S'inscrivant dans une lutte contre l'antiféminisme, elle de nombreux ouvrages en faveur de l'émancipation des femmes.
Elle organise avec Léon Richer, le 11 juillet 1870, le premier banquet féministe et en août 1878, le premier congrès international du droit des femmes.
Le 14 janvier 1882, elle est reçue apprentie Franc-maçonne, à la loge « Les Libres Penseurs » au Pecq.
Elle consacre toute sa vie à une lutte acharnée contre la misère humaine et les inégalités.
En 1870, elle est élue Présidente du Comité Républicain de Vigilance des Citoyennes du 18ème arrondissement.
Durant la Commune, elle devient ambulancière propagandiste, garde au 61ème bataillon et préside les séances du Club de la Révolution.
Elle est condamnée par le Conseil de guerre à la déportation, puis au bannissement en Nouvelle Calédonie où elle œuvre pour l'instruction des Canaques et écrit un recueil de leurs mythes et de leurs coutumes.
De retour en France en 1880,elle entretient une correspondance avec Victor Hugo, écrit ses mémoires et souvenirs de la Commune et des contes pour enfants.
Amenée par Madeleine Pelletier le 13 Septembre 1904, elle est initiée à la Grande Loge Symbolique Ecossaise Mixte dans la loge « La Philosophie Sociale ».

Tableau à la gouache (début XIXème siècle) : Cérémonie de réception d'une jeune femme dans une loge d'adoption sous le Premier Empire.
Alexandra David-Néel ( 1868 - 1969), est une orientaliste, tibétologue, chanteuse d'opéra, journaliste, écrivaine et exploratrice, franc-maçonne et bouddhiste de nationalités française et belge. Elle fut, en 1924, la première femme d'origine européenne à séjourner à Lhassa au Tibet, exploit dont les journaux se firent l'écho un an plus tard et qui contribua fortement à sa renommée, en plus de ses qualités personnelles et de son érudition. En 1888, elle entre en franc-maçonnerie et atteindra le 30e degré dans le rite écossais ancien et accepté
